dimanche 8 février 2015

Reflexion et éclairages: Sport à sensations et éducation spécialisé ?

Sport à sensations et éducation spécialisé ?


La pratique de sports à risque, sous certaines conditions, peut être un support à la construction identitaire du jeune et à son autonomisation en valorisant ses qualités personnelles. Elle peut aider les adolescents à trouver du sens à leur existence sans pour autant les mettre en danger. Pour Lebreton, elles « ouvrent une voie propice à l’acheminement du jeune vers l’autonomie. Elles lui apprennent à mieux se situer face aux autres, déplacent le jeu symbolique avec la mort ou l’affrontement à la société vers un espace où ces conduites peuvent être discutées, mieux comprises, elles (re)construisent l’estime de soi, une meilleure confiance en ses capacités physiques ou morales »1

• Toute activité sportive présente un risque. Il y a certainement plus de traumatismes chez les rugbymen que chez les skieurs. Cependant, l’imaginaire du risque et de son bénéfice appartient à certaines activités physiques (parachutisme, escalade, kart, sport de glisse). Pour l’adolescent, les bénéfices pressentis à leur pratique seraient essentiellement les suivants :
- le développement des capacités du jeune, de sa créativité et de son courage, qualités dont il doit faire preuve dans le sport à risque ;
- la prise de conscience par le jeune de ses ressources personnelles et la fierté d’avoir réussi.2
- valorisation et renforcement de l’image de soi
Ces sports ne sont pas générateurs d’un véritable danger mais l’appréhension vaut comme une «instance de fabrication de sens»3, pour le jeune comme un moyen de s’estimer davantage et d’apprendre à se situer au sein d’un groupe.


• Les activités à risque de pleine nature «  présentent un avantage très important pour les jeunes en difficulté avec la loi. En effet, la loi de la nature est tangible, non négociable ou transgressable. La nature oblige la personne à entrer dans la logique du vivant, dans la rencontre à l’autre, rencontre passant par la confrontation des représentations, la relation d’aide »4. Aussi, il peut être intéressant pour l’éducateur spécialisé de s’appuyer sur la rencontre entre la limite imposée par le milieu et celle de la capacité physique et psychologique « naturelle du jeune ».
La règle et la consigne exposée par l’adulte pourront alors être perçues par les adolescents comme des facilitateurs de l’activité permettant d’accéder à plus de liberté donc à davantage de sensations.

Pour autant, l’activité sportive ne soit pas être idéalisée. La seule pratique d’un sport à risque ne suffit pas à créer un changement de conduite chez le jeune.
La première limite vient du fait que proposer une pratique sportive « à risque » pourrait participer à l’accentuation des comportements, voire même encourager un processus d’addiction au risque.
La deuxième limite est liée au risque de proposer le sport comme une simple activité occupationnelle dominée par la logique de consommation.

2.1.3. Quelle place pour l’éducateur spécialisé ? 

Afin de dépasser ces deux limites, il me paraît essentiel d’inscrire l’activité sportive à risque dans un projet qui lui donnera alors une dimension éducative. Les potentialités qui se dégagent de ce support éducatif devront être exploitées, cultivées. A l’action doivent s’associer un discours et une réflexion porteurs de changement. « De la même manière qu’ils ont du mal à anticiper une situation, certains jeunes ne semblent pas découvrir leurs capacités au cours d’une activité […] Rien ne s’inscrit en tant qu’évènement dont on peut avoir la maîtrise et dont la prise de conscience du cheminement pour y aboutir autorise la répétition rassurante »5. Il faudra également permettre au jeune de verbaliser les sensations et émotions ressenties en instaurant les conditions nécessaires à l’échange.
Capul et Lemay s’appuient sur la notion de F.Redl en évoquant l’« entretien sur le champ » qui, étant directement lié à une expérience qui vient d’être vécue, permet notamment d’aider le jeune à traduire les affects au moment où ils viennent d’être ressentis et de « prendre conscience sur le champ »6 de certains comportements.
L’éducateur spécialisé doté de certain diplômes complémentaires peu assurer des activités tels que skate, vtt (classe 3 max), escalade…et faire les retours en fin d’activité. Si il n’est pas apte à assurer l’activité, c’est alors un professionnel breveté qui doit s’en charger.
Dans cette optique, le fonctionnement de l’activité sportive est intéressante si il permet à l’éducateur spécialisé de développer une observation participative et de se concentrer sur la dimension éducative de l’activité en se dégageant de la dimension technique et pédagogique (didactique de l’activité, travail sur la performance…) assurée par l’éducateur sportif.
• Afin de renforcer la dimension valorisante de cette activité et de transposer une possible réussite du jeune de l’extérieur (spécificité de l’activité physique) vers l’intérieur du service, il est possible de prendre des photos en cours d’activité. Chaque jeune et parents devront signer en début de prise en charge un document qui autorise la prise de photo et de vidéo dans le cadre des ateliers.


1 LE BRETON D., Sociologie du risque, PUF,
2 MACHARD L. (rapporteur) SPORT, ADOLESCENCE ET FAMILLE, Rapport remis au Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées - Ministère délégué à la Famille Ministère des Sports en Novembre 2003
3 LE BRETON D., Conduites à risque, op.cit, .
4CLEMENT M., Sport et insertion, éditions Presses Universitaires du Sport, 2000, p159
5 CAPUL M.et LEMAY M. , op.cit., p 216
6 Ibid, p220

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